Il est Français, s'appelle Gael Buzyn, a un diplôme en architecture intérieure et phosphore du côté de Malibu – il y a pire – sur les mobilités du futur. Architecte d'intérieur ? Tiens, ce n'est pas un cursus habituel en désign automobile mais pourrait le devenir tant les études de nouveaux modèles partent aujourd'hui de l'intérieur vers l'extérieur. À force de nous vendre des salons roulants, les constructeurs vont avoir besoin de « relookeurs » d'intérieur pour nous convaincre que le futur est mieux que le présent.

La structure et l’aérodynamque de l’Audi PB18 sont tirées de l’experience d ela LMP1 en compétition

© AUDI

Sur la côte californienne, notre designer bute sur quelques mots en français, en recherche de repères comme un marin posant le pied sur le quai après des semaines de navigation. Ça tangue un peu dans les phrases, mais pas dans les idées. Elles fusent, avec enthousiasme. Gael Buzyn s'épanouit au sein d'une toute petite cellule d'études décentralisée dont la mission est de s'imprégner du mode de vie américain et plus exactement californien, à l'avant-garde des tendances. « En Californie, j'ai trouvé un endroit où la culture automobile s'exprime encore de façon extravagante », se réjouit-il.

 

Comme cahier des charges, cela parait idéal, mais cela ne se juge pas seulement au Mojito siroté le soir en contemplant le coucher de soleil sur le Pacifique. Si, aujourd'hui encore, on s'ébaudit devant les lignes des voitures des années 60, pas sûr que la créativité américaine soit flagrante dans le design automobile d'aujourd'hui. Rendez-nous Raymond Loewy, un autre Français si éblouissant aux Etats-Unis ! Mais dans la rue, les boutiques, les modes de vie, de consommation, de loisirs, la Californie donne toujours le tempo.

Boîte à idées

D'où cette idée du design Audi de créer une cellule détachée à Malibu qui jouira bientôt de ses propres locaux. « C'est l'idée d'une résidence qui accueille pour un temps des collaborateurs venus chercher de nouvelles idées. Nous sommes actuellement trois designers et deux modeleurs CAO », dit-il. Là, ce bureau conservera une très large autonomie de propositions, le but étant de challenger l'équipe centrale d'Ingolstadt.

Deux projets de voitures ont déjà concouru face à Ingolstadt, mais si elles n'ont pas été retenues, l'habitacle de l'une d'elles en revanche sera repris sur un futur modèle. Outre ces projets, Gael Buzyn n'a pas commencé par le plus facile mais sans doute par le plus excitant avec l'incroyable prototype PB18 exposé sur le stand du Mondial de l'Auto. Pas tout à fait une première puisqu'il a été révélé, pour quelques « happy few », en août dernier au concours d'élégance de Peeble Beach, là où précisément il pourrait recruter ses futurs acheteurs.

Audi PB18 © AUDI

Pour le moment, cette voiture n'est qu'une étude roulante visant à s'affranchir des codes de la voiture thermique pour profiter des implantations techniques différentes de l'électrique. Appliqué à une supercar, le résultat au fond ne change qu'en partie, l'énorme moteur thermique central arrière (V8 ou V10 sur une Audi R8) cédant la place aux batteries.

Volume pour volume, cette tare obligée permet au moins de centrer les masses et de les abaisser. À la différence des voitures électriques traditionnelles, elle n'aura pas à jouer les SUV en logeant les cellules, ici à électrolyte solide, dans un faux plancher, rehaussant d'autant la position des passagers. D'une capacité de 95 kWh, ces batteries à refroidissement liquide sont déjà calibrées pour une tension 800 volts qui permettrait la recharge, éventuellement par induction, en une quinzaine de minutes.

À 1,05 m du sol

Pour une supercar, cela aurait fait mauvais effet. On est rapidement rassuré avec des proportions incroyablement compactes, l'impression étant faussée par une hauteur de seulement 1,05 m. Pas très longue (4,53 m), très large (2,0 m), la PB18 dispose d'un empattement de 2,70 m très répandu et d'un poids contenu à 1 550 kg. La surprise joue à plein car en passant aux commandes« by wire », c'est-à-dire sans liaison mécanique, Audi a conçu un poste de conduite très original. Il est constitué par une nacelle suspendue et coulissant du côté gauche vers le centre. Le but est de fournir à l'amateur de pilotage une position de conduite idéale lorsqu'il se rend sur un circuit.

La posiiton classique, à gauche de l’Audi PB18

© AUDI

L’Audi PB18 permet de faire coulisser la nacelle du poste de conduit au centre, pour de meilleures senstions en circuit

© AUDI

Lorsqu'il en sort, il suffit de replacer électriquement cette nacelle sur le côté, faisant apparaître la place du passager qu'elle était venue recouvrir. Moulée comme un siège de course, il ne faut pas en attendre des réglages et le garnissage n'aura pas l'accueil moelleux d'une A8. « Mais le confort est étonnant grâce à un garnissage spécial très mince », assure Gael Buzyn. Ce diplômé du Strate College à Issy-les-Moulineaux, qui a fait ses premières armes chez Peugeot, puis chez Volkswagen o ù il a dessiné l'habitacle de la Golf 5, avant de rejoindre Martin Licht, patron du design Audi, a fait du chemin.

« Le concept-car PB18 e-tron a bénéficié de nouvelles façons de travailler et notamment des lunettes de réalité virtuelle qui permettent de brûler les étapes. Nous avons décidé ce projet en novembre dernier au Salon de Los Angeles, mis trois mois pour faire les plans et les modéliser et deux mois pour la réalisation », dit-il.

Très specataculaire, le tableau de bord de l’Audi PB18 propose une vison très rapprochée de la roure et des instruements transparents.

© AUDI

« L'intérêt de l'électrique est qu'elle propose une vision claire de l'architecture puisqu'il n'y a pas de système de refroidissement et d'échappement qui prennent beaucoup de place. On a voulu aussi, avec les commandes by wire, en profiter pour ouvrir le champ de vision vers le bas avec un pare-brise se prolongeant loin vers l'avant. Nous avons même prévu une instrumentation transparente, n'entravant pas le champ de vision. Même l a calandre Single frame a été évidée et une échancrure du capot permet de voir la route défiler devant le nez de la PB18, renforçant encore les sensations de vitesse. Car notre voiture n'est pas un modèle autonome, mais une voiture à piloter.

Audi PB18 © AUDI

Elle a été baptisée en interne level zero en opposition aux voitures level 2, 3, 4 ou 5 qui situent le degré de conduite autonome. Ainsi, elle est débarrassée de toute aide à la conduite, tout juste a-t-on conservé l'ABS et l'ESP. Alan McNish, le pilote, a adoré cette configuration de l'habitacle. » En revanche, on sera plus réservé sur le crash test tant les pieds du pilote semblent exposés aux collisions.

680 ch, 15 mn de recharge

La PB18 dispose d'un moteur de 150 kW à l'avant et de deux autres totalisant 350 kW, entraînant les roues à l'arrière par l'intermédiaire de demi-arbres. La puissance cumulée de 500 kW, soit 680 ch, et le couple gigantesque de 830 Nm permettent d'abattre le 0 à 100 km en 2 secondes seulement. Le système central de répartition du couple gère l'agilité du châssis tout en comptant sur les quatre roues motrices. Le châssis carbone est directement inspiré des LMP1 des 24 Heures du Mans avec d'impressionnants combinés ressorts amortisseurs avant, couchés sous le capot et en partie visibles.

L’Audi PB18 est entièrement configurée pour la performance maximalesans, sans  compromis

© AUDI

On sera beaucoup plus réservé sur la visibilité vers l'arrière, confiée à des caméras, le profil de la carrosserie quasi horizontale ne permettant pas d'avoir une vue directe. En revanche, l'espace dégagé derrière les batteries a permis d'aménager un coffre très généreux dans le genre, de 460 L et muni de trois bagages réalisés sur mesure. Audi a même prévu la tenue de pilote (combinaison et casque) qui va avec car cette PB18 doit, au futur, passer de la ville à la route puis au circuit sans broncher. Et surtout inspirer des voitures de plus grande série avec les solutions explorées sur cet étonnant concept.

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